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À la fin de l'hiver 2015, invité par le MUCEM (Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, Marseille), j'ai effectué une résidence artistique de cinq semaines à la Fondation Camargo, dans la petite ville côtière de Cassis près de Marseille. À cette période, j'étais dans une nouvelle phase, j'avais terminé une sorte de cycle dans mon travail photographique avec la dernière série Chott Maria. Cette série est une œuvre intimiste sur la mémoire et sur la trace. En quelque sorte, je me suis senti libre encore une fois et j'ai accepté cette carte blanche. Travailler dans un autre territoire que le mien m'a beaucoup intéressé.

Ce qui m'a frappé dans ce nouvel espace est le Cap Canaille, cette masse rocheuse qui domine la ville. Je me suis trouvé isolé, obsédé par ce bloc de pierres ; je me suis retrouvé à faire le même cadre photographique de cette entité, presque tous les jours. J'étais pris dans une sorte de boucle filmique où je photographiais inlassablement mon isolement, mes petites vadrouilles solitaires dans la ville, et le fameux rocher.

 

 

De cet amas photographique, je tends à recréer cette expérience, cette boucle, en une bande filmique ou un roman-photo qui sera transposé dans un livre. Je projette de transcrire sur les négatifs mes obsessions, d'intervenir sur les négatifs à plusieurs reprises, de gribouiller, de scanner, de re-scanner et répéter ces actes. Je projette de travailler sur les tirages argentiques directement dans un laboratoire spécialisé et d'utiliser la chimie pour :

Tester les limites de ces souvenirs picturaux,
Tester jusqu'à l'épuisement.
Gratter la chair de la photographie,
Gratter jusqu'à la perdition.
Se fondre dans les nuages acides,
Se fondre dans les souffles du vent.
Observer les traces du mistral sur le rocher,
Observer jusqu'à leur disparition.

À propos de l'artiste

Fakhri El Ghezal, Le Rocher Essai n.1 (2015). Avec l'aimable autorisation de l'artiste.

Photographe, vidéaste et artiste tunisien, Fakhri El Ghezal est né en 1981 à Akouda, où il vit et travaille. El Ghezal est diplômé en beaux-arts de l'Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis, et en Art et Communication de l'Institut des Beaux-Arts de Nabeul.

 

Dans ses œuvres, la photographie façonne le corps de celui qui la façonne, dans une résonance perpétuelle, se déplaçant sans cesse entre la mémoire de la chair et celle de l'image. Les images sont aussi des marques évanescentes sur le revêtement de la photographie. Les visages et les images, les corps et les photos. Ce sont les deux pôles autour desquels l'œuvre photographique de Fakhri s'articule avec obsession. Dans un mouvement de pioche lent et long qui monte en l'air et se plonge dans la terre, les mêmes gestes, au fil des ans, se nourrissent des blessures. Une patience fertile permet alors au fruit d'apparaître lentement, et d'être récolté. C'est tout le temps la même chose, et c'est chaque fois différent. Venant tout en partant, des visages mais aussi des images, des corps et néanmoins des photographies, noir ou encore blanc, politique tout en étant intime, à la fois fiction et documentaire, le soi et l'autre.

 

Ses œuvres ont été présentées dans des expositions et des festivals internationaux, tels que les Rencontres Africaines de la Photographie de Bamako, le Festival de Cinéma Africain de Tarifa, en Espagne, le Centre d'art de Beyrouth au Liban, au CCCB de Barcelone, les Halles de Schaerbeek et KVS Bruxelles, à la Foire d'Abu Dhabi, le New Museum de New York et au MuCEM à Marseille.


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